Vladimir Poutine a quitté Pékin hier au terme d’une visite de deux jours destinés, selon l’expression consacrée, à renforcer "l’amitié sans limites" qui le lie à son homologue chinois. En pleine offensive russe sur le front ukrainien, c’était aussi son premier déplacement au début d’un cinquième mandat à la tête de la Fédération de Russie, et sa 43e rencontre avec Xi Jinping. Les déclarations officielles ont débordé de compliments réciproques et d’engagements destinés d’évidence à une audience bien plus large – notre relation est propice à la paix, affirme le Chinois, c’est un gage de stabilité, toute alliance politique et militaire fermée dans l’Asie-Pacifique est nuisible, a renchéri le Russe. S’il est un pays où un tel renforcement de l’axe Pékin-Moscou est scruté avec minutie et inquiétude, c’est bien le Japon. Contraintes de la géographie, poids de l’histoire, mais aussi interdépendance économique et commerciale : l’archipel nippon entretient avec la Chine un rapport d’autant plus complexe qu’il poursuit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale des liens étroits avec les États-Unis et s’inscrit dans leur stratégie sécuritaire face aux ambitions croissantes de Pékin dans l’Indo-Pacifique.
Le Japon renforce ses moyens de défense
Longtemps considéré comme un géant économique et un nain politique, le Japon a changé de statut, on ne le comprend pas assez en Europe. Son économie stagne, son déclin démographique s’accélère, mais en pleine recomposition des rapports de force, son poids géopolitique s’accroit. Seul membre asiatique du G7, le Japon améliore ou renforce ses liens avec la Corée du Sud et les Philippines. Pourrait-il rejoindre l’AUKUS, cette alliance militaire États-Unis, Royaume-Uni, Australie ? Face à trois voisins dotés du feu nucléaire, dont la Corée du Nord, il renforce ses moyens de défense. À l’abri du parapluie américain, jusqu’où le gouvernement japonais peut-il aller sans modifier une Constitution interdisant toute belligérance, comment rééquilibrer les rapports avec le protecteur américain, jusqu’où lui faire confiance si la question de Taïwan, tout proche, s’embrase ? L’économie patine, mais la Chine est plus encore à la peine. Le Japon peut-il en tirer profit ? Comment la société japonaise, volontiers repliée sur elle-même, comment la jeunesse réagissent-elles face aux vents du large ? J’ai la chance d’être à Tokyo depuis quelques jours et d’accueillir ce matin au Club des correspondants étrangers trois des meilleurs experts du Japon et des enjeux régionaux.