C’était il y a tout juste 20 ans. Le 5 octobre 2000, après 11 années au pouvoir, le dictateur serbe Slobodan Milosevic était renversé par son peuple. Refusant les résultats d’un scrutin qu’elle jugeait tronqués et dans un mouvement pacifiste, l’opposition serbe – aidée des États-Unis - mettait fin à un régime d’oppression nourri d’idéologie ultra-nationaliste. Un an après les bombardements de l’OTAN et alors que la Serbie venait de perdre une partie de son territoire, le Kosovo, les serbes semblaient enfin regarder vers l’avenir.
Et pourtant, vingt ans après, les plaies ne semblent toujours pas refermées, ni le conflit totalement résolu entre la Serbie et son ancienne province du Kosovo. Ni les tentatives de médiation de l’Union Européenne, ni les rapprochements économiques accompagnés par les États-Unis ne semblent venir à bout des vieux conflits sur le territoire.
Tandis que le gouvernement serbe s’enfonce dans une dérive autoritaire et nationaliste, et que le Président kosovar Hashim Thaci est convoqué à la Haye pour répondre de crimes de guerre et de crime contre l’humanité, la perspective d’une pacification durable semble plus éloignée que jamais.
Près de 25 ans après les accords de Dayton, signés en décembre 1995, c’est l’ensemble des anciens territoires de la défunte Yougoslavie qui semble encore bloqué dans ces anciens conflits. Alors que la justice internationale peine à faire son travail et qu’une partie de la classe politique s’emploie à entretenir les vieilles querelles dites « ethniques », quel avenir est-il concevable pour les Balkans ?
Pourquoi les frontières sont-elles encore si sensibles ? Quelles sont les autres lignes de fractures (sociales, religieuses, politiques) qui continuent de diviser les populations de la région ?
Quelles solutions politiques l’Europe peut-elle apporter à la région alors que les perspectives d’intégration y semblent plus éloignées que jamais ?
Une discussion en compagnie de Loïc Trégourès, docteur en sciences politiques, enseignant à l'Institut Catholique de Paris, et Jean-Arnault Dérens, historien, journaliste et rédacteur en chef du Courrier des Balkans.
Il n'y a rien du tout dans l'accord américain de coopération entre la Serbie et la Kosovo. Et cet accord, si Donald Trump n'est pas réélu, sera vraisemblablement mort et enterré. Jean-Arnault Dérens
Aujourd'hui, le monopole de la représentation politique serbe au Kosovo est tenu, de gré ou de force, par Belgrade et par le parti d'Alexandar Vucic. Les populations serbes n'ont pas la parole au Kosovo, et Alexandar Vucic se présente par ce biais comme le seul qui peut régler le sujet du conflit Serbie/Kosovo. Loïc Trégourès
Seconde partie - le focus du jour
À Mostar (Bosnie-Herzégovine), le nouveau pont est-il parvenu à réconcilier une ville divisée entre ethnies ?
Avec Aline Cateux, doctorante en anthropologie sociale et membre du laboratoire d’anthropologie prospective IACCHOS/UCL.
L'Union européenne a été en charge de la reconstruction de Mostar. C'est un fait unique en Bosnie-Herzégovine, et il fallait absolument stabiliser la ville - la pacifier - et trouver un symbole qui allait pouvoir marcher pour relayer cette obsession de la stabilité politique qu'a l'Union européenne. Et le pont est ainsi devenu une métaphore, un outil qui allait pouvoir "raccommoder" la ville. Aline Cateux
Références sonores
- Archives média autour de la chute de Slobodan Milošević (Journal A2, France 2, 6 octobre 2000, et discours de Milan Protic, nouveau maire de Belgrade, Associated Press)
- Emir Balic, 85 ans, 13 fois champion de plongeon à Mostar, témoigne de la reconstruction du pont de Mostar (Euronews, 30 juillet 2019)
Références musicales
« Das Spiel ist aus » de The Notwist (Label : Alientransistor)
« Maki Maki » de Šaban Bajramović, chanteur et musicien serbe d’origine Rom