A ses frontières, Bruxelles a mis en place une politique dite de voisinage destinée à nouer des relations étroites avec les pays frontaliers, sans pour autant les intégrer dans son giron. Un équilibre ténu, censé permettre de stabiliser les bordures de l’Union européenne tout en favorisant le développement de ces pays.
Si la Biélorussie s’est lancée dans un chantage migratoire à la frontière polonaise et a clairement fait alliance avec la Russie, le président ukrainien Vlodimir Zelensky se tourne à l'inverse vers les Européens pour échapper à la menace de Moscou, qui a engagé des mouvements de troupes massifs à la frontière en septembre dernier. Face à ces appels du pied à rejoindre l’UE, le président du Conseil européen Charles Michel a réaffirmé le soutien européen en octobre. Mais derrière le discours officiel, la réalité géopolitique du moment est toute autre. L’Europe doit en effet composer avec sa dépendance au gaz russe et des divisions internes sur le dossier ukrainien.
Comment les Européens réagissent-ils aux sollicitations ukrainiennes ? Comment Bruxelles peut-elle concilier dépendance énergétique vis-à-vis du Kremlin et approfondissement des relations avec Kiev? Enfin côté ukrainien, comment le peuple et les gouvernants se placent-ils dans ce jeu de balancier entre l’Europe et la Russie ?
La Russie, en miroir de ce que fait l’Union Européenne, se présente et se considère comme une puissance régionale européenne. Dans ce cadre-là, elle ne veut pas être la puissance d’un seul pays et a besoin de son « étranger proche » : l’objectif est que ses voisins n’intègrent pas l’Union européenne et l’OTAN. **Alexandra Goujon **
La rationalité économique de Nord Stream II est de passer par la mer Baltique (…). Mais l’une des vraies questions est à la fois celle de la fiabilité de l’Ukraine comme pays de transit, qui a été posée pendant des années, mais aussi le fait que les marchés gaziers en Ukraine ont donné naissance à des schémas de corruption et des groupes d’influence. Florent Parmentier
Florian Delorme reçoit Alexandra Goujon, maîtresse de conférences à l’Université de Bourgogne, enseignante à Sciences Po Paris et spécialiste de l’Ukraine et de la Biélorussie et Florent Parmentier, secrétaire général du CEVIPOF et chercheur associé à HEC.
Seconde partie : le focus du jour
Bosnie-Herzégovine, dans l’antichambre de la méconnaissance européenne
La tension est palpable à l’Est de l’Europe, où le chef nationaliste serbe Milorad Dodik multiplie les déclarations nationalistes en Bosnie, actes à l’appui. Surveillé de près par la Slovénie, la Hongrie ou encore la Russie, le pays semble délaissé par l’Union Européenne, qui continue d’utiliser un prisme ethnique obsolète pour analyser les tensions mal-éteintes de la guerre. Comment la politique de l’Union Européenne pourrait-elle favoriser les partis nationalistes en Bosnie ? En quoi traduit-elle une méconnaissance européenne de la situation bosnienne ?
La politique de l’Union Européenne en Bosnie-Herzégovine est toujours allée dans le sens de l’apaisement des partis nationalistes et des tensions, (…) et dans celui de préserver une espèce de consensus qui ferait façade, avec une obsession de la stabilité et de la sécurité. Aline Cateux
Avec Aline Cateux, doctorante en anthropologie sociale, membre du laboratoire d’Anthropologie Prospective de l’Université-Louvain-la-Neuve et membre de la rédaction du Courrier des Balkans.
Références sonores
- En avril dernier, Zelensky affirmait que les tensions entre l’Ukraine et la Russie sont aussi l’affaire de l’Europe (Euronews, 16 avril 2021)
- En octobre dernier, le président du Conseil européen Charles Michel affirmait que l’Ukraine appartenait à la famille européenne (vidéo du Conseil de l’Union européenne, 12 octobre 2021)
- Un soldat ukrainien sur la ligne de front vers Zaitsevo déplorait en juillet dernier que l’Europe ait oublié ce conflit (France 5, 16 novembre 2021)
- En août dernier, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba évoquait Nord Stream 2 et l’envisageait comme une éventuelle arme utilisée par la Russie à l’encontre de l’Ukraine (TRT World, 28 août 2021)
- Josep Borrell, Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, revenait en juillet dernier sur l’éventualité d’une candidature de la Bosnie-Herzégovine à l’adhésion à l’Union européenne (Euronews, 13 juillet 2021)
Références musicales
- « Ash & Snow » de Christian Löffler (Label : Ki records)
- « Солнца Восход » de Vasily Richter (Label : Erythroleuko Plakia records)