La sortie des énergies fossiles, vecteur principal de décarbonation des structures économiques, est un objectif climatique prioritaire, au moins depuis 2015 et la signature des Accords de Paris. Les législations française et européenne se sont ensuite fait le relais de cet engagement international. Par ailleurs, cette sortie des énergies fossiles devient aussi essentielle depuis la (re)découverte des vulnérabilités de l’Europe vis-à-vis des exportateurs d’hydrocarbures et de gaz, d’abord lors de la crise du COVID-19 et de la reprise postpandémique, qui a fait grimper les prix, et depuis le début de la guerre en Ukraine.
La construction d’une industrie des renouvelables, un défi indispensable pour l’adaptation au changement climatique
Les énergies renouvelables prennent une part de plus importante dans le mix électrique européen, Emmanuel Hache explique "les énergies renouvelables, si on ajoute l'hydro-électricité à la génération d'électricité à base de solaire et d'éolien, représentent environ 32 % et si on rajoute la production d'électricité nucléaire, on est autour de 53 % en Europe. On a une progression assez continue de la production d'électricité à base d'énergies renouvelables en Europe et on constate une accélération, notamment en raison de la question climatique, mais aussi depuis février 2022 avec la guerre en Ukraine qui est un profond catalyseur d'investissement et d'amélioration dans les énergies renouvelables". En France, les investissements dans ces énergies ont évolué, Philippe Quirion le précise "la France a été un pays relativement pionnier dans le développement du solaire et de l'éolien dans les années 60 et 70, et ensuite, il y a eu un grand coup d'arrêt dû au fait que la France a mis la priorité sur l'énergie nucléaire. Aujourd'hui, la France accélère en particulier sur le développement de l'éolien maritime, avec la construction d'usines et l'installation de parcs sur le pourtour atlantique et à terme méditerranéen. La mise en service tout premier parc éolien complet a eu lieu en novembre 2022 à Saint Nazaire. Sachant que le premier parc éolien date de 1991 au Danemark, on voit que la France commence à rattraper son retard. Concernant le solaire/photovoltaïque, on a des annonces de constructions d'usine, en particulier à Fos-sur-Mer, à l'horizon 2026 on aurait des capacités très importantes de production de panneaux en France. Quant à savoir ce que l'on va installer sur le territoire, l'obstacle n'est pas tant économique, il est réglementaire ou législatif".
Des obstacles majeurs à lever pour développer une industrie des renouvelables européenne et souveraine
L’approvisionnement en métaux est au cœur d’une bataille économique et géostratégique, Emmanuel Hache précise "toutes les technologies de production d'électricité ainsi que tous les moyens de transport utilisent des métaux. On se focalise généralement sur le véhicule électrique ou les énergies renouvelables pour pointer la consommation excessive de métaux, risquant ainsi de freiner la transition bas-carbone. Cette question des métaux est un enjeu pour la décennie qui vient, car on sait qu'on va avoir besoin d'énormément de métaux, que ce soit pour les technologies du transport électrifié, avec du cobalt, du lithium, notamment pour les batteries, on sait aussi qu'on va en avoir besoin pour l'éolien et le solaire, et que ces besoins vont être multipliés par 40 par exemple pour le lithium à l'horizon 2040 ? Cependant, on ne sait absolument pas quels seront les progrès technologiques sur les batteries dans les vingt prochaines années. Par ailleurs, on a très peu investi dans les mines dans la décennie 2010 et on est en train de se réveiller", Philippe Quirion complète "il n'y a pas de réponse systématique à la relance de l'extraction minière en Europe, il faut regarder au cas par cas. On a, par exemple, un potentiel d'extraction de lithium, celui utilisé pour les batteries, en lien avec la géothermie. En extrayant le lithium de l'eau qui circule pour la géothermie. Il y a bien du lithium dans l'Union européenne et en particulier en France et cela peut être moins polluant d'avoir cette extraction en Europe qu'ailleurs, simplement, car cela peut être mieux géré, mais cela ne veut néanmoins pas dire qu'il faut systématiquement faire ces extractions".
Pour aller plus loin
- Revue L'Économie Politique, n°97, février 2023 : La transition énergétique à la croisée des chemins
- Revue Internationale Stratégique, n°128, hiver 2022 : Géopolitique de la sobriété, sous la direction d'Emmanuel Hache
- Emmanuel Hache : Géopolitique des énergies, tensions d'un monde en mutation. 40 fiches illustrées pour comprendre le monde (Eyrolles, 2022)
Références sonores
Références musicales