Pour tous les défenseurs des droits des femmes, c’est un choix perturbant.
Roberta Metsola, 43 ans, est opposée à l’avortement. Elle ne s’en cache pas.
Et son pays, Malte et ses 500.000 habitants, est le seul, parmi les 27 de l’Union Européenne, à interdire totalement l’IVG. Quelles que soient les circonstances, même en cas de viol.
Donc le message envoyé est troublant, surtout au moment où un autre pays, la Pologne, limite drastiquement l’accès à l’avortement.
On comprend donc les réticences de plusieurs élus à Strasbourg, et du secrétaire d’État français aux affaires européennes Clément Beaune : ce matin chez nos amis de franceinfo, il s’est dit
« gêné par cette élection ».
Mais une fois qu’on a dit ça, on n’a pas fait le tour du sujet.
D’abord, Mme Metsola est donc maltaise. Et à Malte, c’est bien simple : impossible dans ce pays très catholique, de faire carrière en politique en étant favorable à l’IVG.
Ensuite, l’avortement n’est pas de la compétence de l’Europe, mais du ressort de chaque pays. Donc son élection sera sans doute sans conséquences sur le sujet.
Et si l’on met à part le cas polonais, l’avortement s’est globalement imposé en Europe depuis 4 décennies. Dernier pays en date à avoir légalisé l’IVG : l’Irlande.
Enfin, Roberta Metsola promet que sa fonction prévaudra sur sa conviction intime : elle portera le discours du Parlement, pas le sien propre.
Donc ça relativise le poids politique de ce symbole troublant.
Et puis elle a d’autres atouts !
Un engagement fort contre la corruption et pour le droit d'asile
Roberta Metsola est certes conservatrice voire réactionnaire sur l’avortement. Mais pour le reste, elle est plutôt progressiste.
Cette avocate de 43 ans, qui siège au sein du PPE, le groupe de centre droit à Strasbourg, est une combattante des droits.
Elle défend les droits des LGBT +, pas un détail sur la Pologne.
Elle défend la liberté de la presse et lutte contre la corruption : en particulier dans un dossier emblématique, celui, dans son pays, de l’assassinat de la journaliste Daphné Caruana Galizia, qui enquêtait sur les réseaux de corruption politique.
Roberta Metsola est aussi favorable au droit d’asile et à une refonte de la politique migratoire, en répartissant le fardeau de l’accueil des migrants entre les 27. Une position loin de faire l’unanimité dans son propre groupe.
Mais elle connait bien le dossier : Malte, au Sud de l’Italie, est aux portes de l’Afrique.
Et d’ailleurs, elle a la réputation de très bien connaitre tous ses dossiers. Un député européen français confie avoir été impressionné par sa maîtrise des sujets.
Bref, Mme Metsola ne se résume pas à son opposition à l’IVG. Elle a beaucoup d’arguments.
Voilà pourquoi elle a été élue dans un fauteuil ce matin : 458 voix sur 690.
Elle a ratissé au-delà de l’alliance des trois principaux groupes, le PPE de centre droit, les sociaux-démocrates de centre gauche, et les libéraux de Renew.
Une Européenne convaincue
En plus c’est une femme, jeune, et une européenne convaincue !
Elle est très investie depuis 10 ans au Parlement de Strasbourg. Mariée à un Finlandais.
A 43 ans, (43 ans aujourd’hui même d’ailleurs, joli gâteau d’anniversaire), c’est la plus jeune présidente de l’histoire de l’institution.
Et c’est seulement la 3ème femme à accéder à ce poste depuis que le Parlement est élu au suffrage universel. 3 femmes pour… 14 hommes !
Son élection constitue aussi un signal envoyé aux « petits pays » de l’Union Européenne (en l’occurrence Malte) puisque ce poste de président du Parlement a été trusté par les « grands pays », France, Allemagne, Espagne, Italie. Son élection fait évidemment la Une des journaux maltais.
Et puis Metsola est une femme de dialogue qui aime à chercher des consensus entre les groupes. C’est la logique du Parlement de Strasbourg, cette émanation de plus de 450 millions de citoyens.
Ce logiciel du compromis, trop souvent absent des débats en France, est d’ailleurs celui qui a présidé à son succès d’aujourd’hui : les trois principaux groupes ont signé un « package » qui a vu le PPE, le groupe de Metsola, céder 2 vice-présidences supplémentaires aux sociaux-démocrates et aux libéraux.
C’est ça aussi, la démocratie en action.
Tout ça pour dire que l’élection de Metsola, vu comme ça, est logique, raisonnable, cohérente.
Voilà. Je pourrais conclure comme ça.
Mais c’est bizarre, cette histoire d’opposition à l’IVG laisse quand même un goût désagréable dans la bouche, surtout à ce poste de présidence du Parlement dont la première occupante s’appelait Simone Veil.